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17 juillet 2012 2 17 /07 /juillet /2012 14:52

 

Le meilleur régime politique

 


 

Introduction

 

S'il existe des sociétés politiques qui ne possèdent pas d'Etat et qui s'organisent sur le modèle des tribus, la majeure partie des sociétés se dote d'un Etat pour réguler les rapport de la société. Or cette Etat, pour avoir une réelle capacité régulatrice doit pouvoir agir, et à ce titre, il nécessite une organisation précise. On parle dès lors de régime, pour qualifier l'ensemble des institutions, des procédures et des pratiques caractérisant un mode d'organisation et d'exercice du pouvoir. Les différent types de régimes ont été analysés par les philosophes afin de dégager celui qui serait le meilleur. La comparaison introduite par le mot « meilleur » permet de dégager le régime qui convient mieux à une population, mais il est à remarquer qu'il s'agit non pas d'un comparatif mais d'un superlatif. Cela mène aussitôt à considérer celui qui est au dessus de tous les autres, qui l'emporte sur tous par ses qualités. Il est donc question de définir une valeur absolue, un régime qui est bon en lui-même, et dont les qualités internes font de lui le meilleur. Il existe de nombreux classements, qui arrivent à des résultats différents en ayant utilisé des critères variés. C'est cette diversité qui amène à se poser la question du meilleur régime. Cependant, est-il réellement possible de définir une valeur absolue dans la relativité de la politique ? En effet, celle-ci doit par exemple s'adapter à la population qu'elle gouverne. Dès lors, dans quelle mesure peut-on dire que la question du meilleur régime politique, par l'aporie à laquelle elle semble aboutir, n'a de sens que dans son dépassement ? Pour répondre à cette interrogation, nous verrons dans un premier temps la nécessité de définir une méthode de réflexion, qui amène le risque d'une typologie pure et désincarnée, pour ensuite traiter du problème des critères de définition variables, et enfin nous intéresser à l'intérêt de poser la question du meilleur régime « possible ».

 

  1. Le risque d'une critériologie pure

 

1. Se poser la question, ou définir une méthode de réflexion


 

Avant toute chose, il faut que la question se pose réellement. Définir quel est le meilleur régime implique de faire une comparaison et une typologie sans déterminisme, afin de ne pas rendre toute réflexion nulle. De fait l'évidence d'une théologie incarnée dans une monarchie de droit divin n'amène pas les philosophes du Moyen-Âge à se poser la question du meilleur régime, vu que la réponse va d'elle même. De fait quatre points semblent nécessaire pour répondre à la question du meilleur régime. Tout d'abord, il faut que l'on considère qu'il y bien plusieurs manières de gouverner, ensuite que la question ne soit pas réglée d'avance, puis il faut établir un classement, et enfin supposer l'existence d'une hiérarchie. Les deux premiers points paraissent aisés à satisfaire, les deux suivants sont moins évidents. Pour établir un classement, il doit exister un critère de comparaison. Si l'on suit la réflexion de Platon ou d'Aristote, qui sont au commencement de la réflexion sur le meilleur régime, le critère le plus pertinent est le mode d'exercice du pouvoir, réduit à celui principal du nombre de dirigeants. Enfin, la mise en place d'une hiérarchie suppose un autre critère de comparaison, qui varie sensiblement selon les auteurs.


 

2. Oublier le fait politique au nom d'un absolu, entre empirique et idéal (LE meilleur revient à le considérer dans l'absolu)


 

Il existe deux manières de déterminer quels sont les régimes à classer : empirique ou idéale. La manière empirique revient à observer les régimes qui ont effectivement existés dans l'histoire politique, celle idéale revient à considérer de manière théorique les principes qui fondent le régime. Pour cette dernière, on peut s'intéresser à Platon et à la République, ou à Thomas More et l'Utopia. Les deux auteurs ont cherché à créer une société idéale, dont les principes organisateurs permettraient la stabilité du régime, et l'ordre dans la société. Cependant, il s'agit bien là d'utopies, de non-lieux, qui ne peuvent être mis en application. En essayant de définir le meilleur régime, Platon construit une société ex nihilo, sans prendre en compte la difficulté à mettre en place un tel régime. Il s'agit d'une construction théorique qui, bien que parfaite selon les critères de Platon, n'a aucune réalité. Définir un régime absolument bon revient à se détacher de la réalité pour pouvoir mettre en place la perfection. Il s'agit de structures figés (tant de familles pour Thomas More, tant de « castes » pour Platon), qui oblitèrent totalement la réalité mouvante de la politique, qui doit s'adapter à sa population, aux événements, et qui doit agir. La perfection formelle des utopies de Platon ou de More empêche tout changement, toute évolution, et aboutissent à la création d'une typologie des régimes dans laquelle celui qui est qualifié comme meilleur est en réalité totalement impossible parce que détaché du fait politique.


 

3. Le meilleur ou le moins pire, la question de l'efficacité, le régime ou le pouvoir ?

 

 

De fait, l'élection d'un meilleur régime semble impossible, et force à se diriger vers celui qui serait le « moins mauvais ». C'est ce que fait Aristote dans l'Ethique à Nicomaque, lorsqu'il définit la démocratie comme le régime le moins mauvais. Il distingue trois types de régimes : monarchie, aristocratie et république, cependant il n'a aucune préférence pour l'un des trois tant que le but poursuivi est le bien être général. Cependant, en tant que formes idéales qui supposent la totale vertu de celui ou ceux qui gouvernent, elles sont toutes trois impossibles. Elles ont donc des formes perverties, respectivement la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie. Or la démocratie évite deux écueils qui font la perte des autres : la sédition et la corruption. Le peuple n'est pas incorruptible, mais seulement moins accessible, et le pouvoir de la masse fera toujours plus de satisfaits que d'insatisfaits. C'est ce qu'exprime la formule de Churchill en 1947 : « la démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres » : elle concentre les défauts d'un régime effectif, mais elle est tout de même apparemment le meilleur régime. On voit donc que le principe qui permet de trancher n'est pas le meilleur régime dans l'absolu, mais la meilleure façon de constituer un régime vertueux. Cependant, il s'agit toujours là d'une construction théorique, et qui plus est d'un choix par défaut du régime le moins mauvais. Ne peut-on pas espérer meilleur résultat par l'observation des régimes empiriques ?

 

 

  1. Expliquer ses critères, ou un investissement stratégique de la définition

 

1. Le problème de la définition des critères : le bien public, c'est quoi ?


 

L'existence d'un meilleur régime dans le sens d'un régime à la valeur absolue ne peut constituer qu'une construction mentale, il faut donc examiner ce qui fait la valeur d'un régime ayant effectivement existé. L'organisation formelle qui définit un régime politique doit être jugée avec un critère de valeur autre que l'organisation en elle-même. Il s'agit de savoir au nom de quoi le pouvoir est exercé. La définition générale de la politique veut qu'elle soit l'art de régler les rapports entre les hommes au nom du bien public. Il peut être intéressant de se référer aux théories contractualistes de Hobbes et de Locke. Du fait du passage d'un contrat entre les individus et le gouvernement, on comprend ce qui constitue le bien public pour les populations. Dans le Léviathan, Hobbes décrit des individus comme désirant avant tout l'ordre et la sécurité, pour ne pas risquer de mourir à tout instant. De fait, il faut alors un régime fort, puissant et ayant la capacité de contraindre : une monarchie. Il s'agit là du régime défendu par le philosophe, qui estime que la stabilité fournie par la monarchie répond au désir de stabilité du peule, qui peut être considéré comme le bien public. Mais se pose un problème dès que l'on se tourne vers Locke qui, dans le Traité du gouvernement civil, définit les besoins du peuple comme étant l'ordre et la sécurité, certes, mais aussi la garantie des biens privés et des libertés individuelles. Dès lors, le régime ne doit pas être contraignant et doit avoir des limites à son pouvoir : il s'agit donc plutôt d'une république. De fait, selon le contenu qui va être donné au bien public, un régime va s'organiser pour répondre le mieux à ce besoin. En un sens, chaque régime est potentiellement le meilleur pour appliquer la définition du « bien public » qu'il donne.

 

 

2. L'intérêt partisan, ou la déf du meilleur rég intéressée


 

Cependant, suivre cette définition du meilleur régime comme répondant le mieux à sa définition du bien public revient peut-être à faire preuve d'un trop grand relativisme, en effet si tout régime peut suivre la définition du bien public qu'il donne, cette dernière peut ne pas être bonne pour le peuple, ou tout simplement être intéressée. Il est possible que le meilleur régime soit défini par celui ou ceux qui vont le mettre en place. Ainsi, les nobles florentins du XVe soutiennent qu'il faut un régime mixte avec un sénat réservé aux puissants parce qu'ils veulent plus de pouvoir, le chef de guerre cherche à affirmer la monarchie comme meilleur régime parce qu'il veut régner seul (cf les condottieres italiens de la Renaissance ou les monarques français), et les révolutionnaires français veulent une démocratie parce qu'elle leur permet de participer à l'exercice des lumières. De fait, le meilleur régime est toujours différent selon les facteurs spatio-temporels, il ne peut donc être défini dans l'absolu. Cela ramène à l'idée exposée par Spinoza, celle de « l'évolution des lumières ».

 

 

3. Le mouvement d'évolution des lumières


 

Bien loin des intérêts individuels qui peuvent être investis dans la définition du meilleur régime, Spinoza explique dans le Traité politique, que chaque régime possède sa légitimité. En effet, dans la lignée de Machiavel, il exprime que lois et mœurs forment un couple inséparable : il n'y a pas de bonne lois sans bonne mœurs, ni de bonne mœurs sans bonne lois. Dans la réalité spacio-temporelle, les mœurs peuvent varier, et elles s'incarnent donc dans des lois dont la forme peut être différente. L'appareil du droit peut se constituer différemment selon les régimes, et selon les besoins de la population. De fait, chaque mesure, chaque loi ou chaque type de régime a une légitimité dans son temps parce qu'elle répond à des facteurs précis de la société dans laquelle il s'établit. Mais Spinoza n'en reste pas à ce simple constat : selon lui, si chaque régime possède sa légitimité, il faut cependant les interpréter en fonction du mouvement de l'évolution des lumières. Il s'agit du principe selon lequel les hommes accèdent toujours davantage à l'intelligence de leur situation, qu'ils saisissent toujours mieux ce qui leur est dû en tant qu'hommes. De fait, la typologie des régime doit être dynamique, elle doit pouvoir évoluer et s'adapter, car un classement immuable se désincarne de la réalité politique. Cette actualisation constante montre bien la nécessité de s'ancrer dans le réel pour considérer le meilleur régime, sans pour autant en donner une définition subjective ou intéressée. La typologie absolue et idéale a montré ses limites, ainsi que celle qui se fonde sur l'histoire, du fait de sa partialité et de son évolution constante. Pour éviter l'aporie, il semble donc nécessaire d'introduire une nuance, et de chercher à définir le meilleur régime « possible ».

 

 

  1. Le meilleur régime « possible »

 

1. Le problème du décalage entre ce qui devrait être et ce qui est

 

 

Si les utopies politiques semblent être les archétypes du meilleur régime, parce que pensées pour l'être, le problème est celui de leur application. La politique pose le problème du décalage entre ce qui devrait être et ce qui est effectivement. Or la mise en place du meilleur régime se heurte à ce décalage. Les régimes idéaux comme ceux décrits dans les utopies politiques de la Républiqueou de l'Utopia sont impossible parce qu'ils ne prennent pas en compte la nécessité de l'action politique, ni la réalité mouvante de l'homme et de « l'évolution des lumières ». Aristote lui-même l'exprime : « On doit en effet examiner non seulement le régime politique le meilleur, mais encore celui qui est simplement possible ». Le régime politique doit prendre en compte la réalité politique de la société dans laquelle il est appliqué, et ce quelle qu'elle soit, sans pour autant se laisser totalement dicter par elle. Tout comme le droit, le régime politique doit trouver l'équilibre entre la norme (les formes définies telle que la monarchie...) et l'adaptation aux réalités effectives de la politique, comme l'évolution des mentalités, des mœurs... Il doit ainsi fournir un cadre dans lequel l'action politique soit permise, et possible.

 

 

2. L'intérêt de la question : le dépassement dans le choix effectif, du régime formel à la réelle organisation des pouvoirs


 

Dans ce cadre, la question fondamentale devient celle de l'organisation des pouvoirs : le meilleur moyen d'éviter la corruption d'un régime est d'éviter que les pouvoirs soient concentrés dans une même fonction. Pour ce faire, on peut se référer à Montesquieu qui dans son ouvrage De l'esprit des lois, explique la nécessité de séparer les trois pouvoirs, que sont le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Cette répartition des trois pouvoirs dans trois fonctions différentes (en France l'assemblée nationale, le président et ses ministres, et les juges) permet qu'aucune d'entre elles n'essaie d'empiéter sur les autres, et permet ainsi une stabilité et la vertu du régime, qui ne risque pas de dégénérer en tyrannie. Par là même, la question formelle du régime n'a plus grande importance, preuve en est qu'une monarchie constitutionnelle peut être aussi bonne qu'une démocratie, si elle respecte le même principe de séparation des pouvoirs. Le régime qu'un Etat se donne pour titre peut être totalement factice, en témoignent les démocraties populaires, alors que la répartition des pouvoirs permet de montrer qui exerce réellement le pouvoir, et donc qui possède la souveraineté.

 

 

2. L'idée moderne du peuple souverain


 

Selon Spinoza, toujours dans le Traité politique, l'approche « morphologique » masque le vrai problème posé aux hommes par la politique, à savoir celui de la nature, de la forme et des limites de la souveraineté. Selon le philosophe hollandais, la souveraineté authentique n'est autre que la puissance de la multitude. En ce sens, il a posé les principes de la philosophie politique moderne, vu que le peuple est devenu l'origine de la souveraineté et de la légitimité du pouvoir. Les théories du contrat social, et notamment celle de Rousseau pour qui une peuple se fait peuple par l'action du contrat, estiment que le peuple est au fondement de la politique. De fait, ce dernier a donc le droit de définir le statut, et surtout l'identité de ceux qui le gouvernent. Ainsi, la question du meilleur régime politique cache plutôt celle de savoir au nom de qui le pouvoir est exercé. Là encore, une monarchie pourra toujours être formellement meilleure qu'une démocratie si le pouvoir est exercé au nom du peuple. La reine d'Angleterre Élisabeth II exprimait elle même lors de son sacre qu'elle n'était que le « sujet de son peuple ».


 

Conclusion


 

La question du meilleur régime politique soumet à un double danger : celui de perdre totalement de vue le fait politique au nom d'une typologie idéale, ou laisser ce classement se transformer en un outil d'une stratégie politique par une trop grande relativisation. Cependant, cette question reste fondamentale par la comparaison qu'elle oblige à faire, puis dans le choix qu'elle amène à opérer entre diverses formes de pouvoir. En effet, ce choix ne peut avoir un sens que s'il explique ses propres critères. Or le critère purement formel ne suffit pas, il faut se demander au nom de qui, et comment le pouvoir est exercé. Ces deux questions induites par celles du meilleur régime politique amènent à penser, à la suite d'Aristote, que les régimes se valent formellement tant qu'ils sont exercés en vue du bien public, c'est à dire en un sens (et c'est ce que le philosophe grec ne pouvait pas encore penser) par et pour le peuple. En effet, cela induit le respect des libertés du peuple par la séparation des trois pouvoirs, et le respect de la souveraineté populaire. De fait, la question du meilleur régime politique est un commencement nécessaire, mais nécessairement dépassé de la pensée politique.

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